jeudi 14 octobre 2010

Parapluie étui, étui, parapluie, pluie

La pluie tombait à verse. Sans prévenir. Il faut dire qu'elle avait du retard. La terre s'imbibait avec plaisir. Les caniveaux montaient, l'eau montait, la mer montait, l'Océan montait, dans les Pôles la glace fondait....

J'arrête ici c'est encore trop teau, pardon trop tôt.

Bref il pleuvait et son ensemble était neuf. Impossible de tergiverser. Fallait le protéger. Il n'y eut que l'embarras du choix. Pas côté prix. Le sujet était réglé, elle les perdait toujours, ce serait un petit prix. Un petit prix mais un joli dessin. Un tachetis, un mouchetis bref quelque chose qui passait inaperçi, pardon inaperçu.

Clic superbe il s'ouvre d'un doigt. Et il est beau. Ce premier jour l'a pas chômé le parapluie : elle a couru partout et même suivi la manifestation.
Le lendemain il pleut. Clic clic, toujours d'un doigt. Joli mouvement. Joli parapluie. Belle obligation. Il pleut à verse.
Le surlendemain  il pleut encore et toujours. Mais pour ouvrir le parapluie, ça coince. Elle pousse, elle appuie, elle dérape. D'un côté elle tient le manche ! De l'autre le parapluie. Structuré, mais encombrant. Heureusement le vent ne s'y est pas mis. Heureusement. Essayez de retenir un umbrella sans manche dans le vent vous ! Sportif mais surtout inefficace.

La journée a passé. A chaque entretien, parapluie plié dans étui. Pour ne pas inonder. Pratique l'étui.
Mais le soir chez elle dès l'entrée, l'étui, impossible de le trouver. Horreur elle déteste mouiller son plancher. Ahhhhhhhh Heureusement il y avait le minuscule bac à douche, [à moins que ce ne fut tout simplement le lavabo ?]

Bon, repas, télé, non j'ai pas écrit plateau-repas, elle a horreur de manger sur ses genoux.
Bon bref, repas, télé, dodo, rêve : influence du jour, Niagara falls. Quand elle se réveille il lui semble qu'elle n'a pas cessé de nager la nuit entière. Bain, déjeuner, vêtements, escarpins et... ? Parapluie. C'est la porte entrouverte qui l'affirme. Et toute la journée, elle court, elle court, parapluie plié, l'étui, parapluie ouvert, parapluie plié, ouvert... plus d'étui ? Où est-il tombé, elle l'a perdu. Marche arrière, regard jeté, pas d'étui   misère tant pis. Mais quel dommage qu'il n'y ait plus l'étui. Elle ne se laisse pas abattre. La pochette plastique du magasin qui lui vend ses pinceaux -elle n'a jamais oublié la peinture à l'eau- fera l'affaire. Faut dire.... qu'elle est belle, l'illustration est une aquarelle. Ce n'est pas pour déplaire au parapluie.....  C'est le dernier rendez-vous. Il pleut. Mais pas sur les jardins alanguis, ni sur les roses de la nuit, et puis il ne pleut que des larmes de pluie, il pleut, c'est à pleurer parce qu'elle n'entend pas le clapotis, elle, le clapotis du bassin qui se remplit, elle ne peut pas dire Oh mon Dieu, que c'est joli, non non non la pluie, elle voudrait que ce soit fini. Si encore elle avait l'étui. Où est-il celui-ci ?


Elle remonte l'artère principale, tête baissée, car le vent se lève Non pas réveille-toi, ou enfin si, réveille-toi il faut que tu t'accroches le vent est si fort ! Et c'est à ce moment-là que les mains accrochés aux manches et les yeux collés dans le miroir de l'asphalte elle l'aperçoit.  Qui ? Son étui. Oui, c'est bien lui, même dans l'obscurité elle reconnaîtrait son parapluie, son motif, son mouchetis, son tachetis. Quel hasard tout de même. Parce qu'en plus, l'étui se repose devant l'entrée du magasin où elle l'a acheté. Trois jours déjà, pas banal. Quel hasard. Et si ce n'était pas le sien ? Quelle question, c'est le sien, cela fait trois jours qu'elle ne le trouve plus. En pensée elle remercie tous ceux qui voulaient s'arrêter pour le ramasser et qui ne l'ont pas fait. Un bonheur, c'est un bonheur. Elle a retrouvé son étui. La pluie fait des claquettes, non, faux, à vrai dire, c'est elle qui danse, de joie ! Mais en y regardant bien, il y a quelque chose de Nougaro dans ses pas. Pas de l'oie, oie du capitole ! L'étui est imperméable, comme son parapluie. L'étui brille. Elle n'en croit pas ses yeux et pourtant si, c'est bien le même et le plus drôle -non c'est pas drôle- pendant qu'elle se penche sur l'étui pour le ramasser, l'eau des baleines -elles devraient arrêter de s'ébrouer celles-là-. lui coule dans le dos. Entre sa peau et le chemisier de soie bleue. Heureusement que c'est de la soie. C'est mieux. Elle ne craint pas la pluie la soie. Trève de tergiversation, elle plonge et attrape l'étui. Non, elle ne le range pas dans son sac. Vous vous rendez compte des dégâts que peut faire un parapluie... mouillé dans un sac de femme. Je préfère ne pas vous dire. Elle tient le parapluie dans la main. Elle en profite pour prendre l'autobus. Le bus c'est trop vulgaire. Comment ça la pluie de mon parapluie dans vos chaussures ? Mince les baleines remettent ça. Un deux trois, enfilé l'étui. Quel doigté. Elle peut s'asseoir et reprendre le roman qu'elle a commencé il y a quatre jours seulement : "La Mousson" Qu'est-ce qu'il pleut dans ce livre, d'ailleurs c'est à chaque fois pareil. Quand elle le ferme elle est obligée de l'essorer. Sinon l'eau monte où qu'elle soit.  Ouf, la voilà chez elle. Parapluie et étui dans lavabeau. Vêtement eaûté. Fini la pluie.

Repas, télé, non pas plateau TV, ni plateau-repas, elle a horreur de manger sur ses genoux.


Bon bref, repas, télé, dodo, rêve. Sous influence du jour, mais cette fois Salto Angel vénézuélien. Moins large mais plus haut le saut, à n'en pas finir.  Après le rêve, le réveil. A-t-elle vraiment nagé toute la nuit, la voilà en maillot de bain ? Elle ne se souvient de rien. Sauf que que qu'elle à cinq entretiens. Une vraie fusée entre dans la salle de bain, déjeune, s'habille se chausse, ah les escarpins, coup d'oeil furibard, elle aimerait un peu plus de quotidien. Après tout serait-elle vraiment différente si elle portait ses Kine ?  Oups, il pleut. Elle re-rentre -souvent les gensses y disent ça, tu re-rentres ?- Parapluie. Et toute la journée, elle court, elle court, parapluie plié, parapluie ouvert, plié, ouvert... Mais au soir la pluie se calme; C'est mieux, c'est beaucoup mieux. Les baleines ne se mettent pas en eau inutilement. Personne ne la fusillera du regard dans l'autobus. Hummmmmmm C'est bon de retrouver son p'tit appart, sa douche, son Coyro, sa TV, son traversin, son oreiller, sa nuisette soyeuse, oui oui, toute de soie sinon ça l'fait pas. Son rêve. Tout mouillé. Elle ne nage pas, elle cabriole, elle dauphine, elle glisse la cascade Biberon, s'échappe par la Ravine et plonge dans l'Océan Indien. Plage de sable fin, soleil paradisiaque....
Par la porte entre le soleil. Pas du tout, il pleut toujours et plus qu'à verse. Vite le parapluie. Plus de parapluie. Mais deux étuis. Zut flûte. Faut y aller tout de même. Autobus à l'arrache. Cling billet passé. Chute libre dans fauteuil. Plus que ses yeux pour pleurer. Quand soudain devant elle une voix s'exprime. Elle dit qu'elle a trouvé un parapluie identique au sien, la veille au soir en descendant du bus !!!! "Voyez-vous, avec le même tachetis, le même mouchetis" Et dire que j'ai perdu mon étui de parapluie. Cela me fait deux parapluies sans étui. Derrière la femme qui parle, une tête tente une approche. Et deux mains fouillent dans un sac. Je vais le trouver, pourvu qu'elle ne descende pas au prochain arrêt, je vais le trouver, je vais le trouver ! Tout à son jeu, elle hurle, "gagné, j'ai retrouvé votre étui Madame" dit-elle bruiyamment. Ce faisant la voilà nez à nez avec la dame qui parlait. "Ce n'est pas bien dit-elle de regarder par-dessus l'épaule d'autrui, je sais je sais mais n'est-ce pas l'étui de votre parapluie ? Un étui contre mon parapluie ? " Elle rit, la dame rit, celle qui écoutait la dame rit, ceux qui n'écoutaient rien mais ont tout entendu rient. C'est beau la pluie. Eclat de rire. De bus en autobus, ces deux-là  sont devenues amies.