En Inde aujourd'hui, dans certains ports, en bout de plage, en bord de mer, nos gros bateaux attendent d’être dépecés de leur plaques de tôles et de toute leur ferraille.
Des hommes avec des masques sur les yeux travaillent au péril de leur vie, sur les ponts, dans les escaliers et sur les échelles aussi. Lueurs orangées et étincelles au bout des doigts, ils découpent, détaillent, déchiquètent et déchirent, les tôles. Ils se fatiguent.
Ils s'arrêtent pour se reposer.
Alors sur la plage l'un se met à raconter. Les ourlets blancs de vagues cessent de chuchoter, et les hommes tendent l'oreille. Bientôt ils écoutent, rient, sourient.
Ils rient, de cette histoire de ferraille et de souris qui suit.
Il était une fois dans une ville indienne un jeune marchand
Il se prépare à embarquer pour faire un long voyage, rencontrer d’autres individus et ramener de nouvelles idées ou de beaux objets, ou de bonnes choses à manger.
Il choisit ce qu’il doit emporter ou pas, pour suivre son périple.
Le voilà bien embêté. Il possède une belle balance en fer. Il ne veut pas s’en séparer.
Il la tient de son père tout de même.
Qui la tenait de son grand père
Qui la tenait de son grand père
Qui la tenait lui-même du père du père de l'arrière grand-père de son père.
Le jeune homme tient à cet héritage.
Mais voilà, il n’a ni femme ni enfant
Sa maison est de guingois
Sa porte n'a pas de clé
Ses fenêtres n’ont pas de volet
En son absence sa maison sera visitée et dévalisée. Le jeune homme craint pour sa balance. Il la soulève et traverse la rue jambes écartées à moitié pliées à chaque pas qu'il fait.
Le voilà chez le voisin. Il le salue.
"Bonjour voisin. Je pars, je reviendrai d’ici quelques mois. Je ne veux pas qu’on vole ma belle balance. Auras-tu l’amabilité de me la garder ?"
Le voisin regarde la maison qui est de guingois,
la porte qui n'a pas de clef,
Les fenêtres qui n’ont pas de volet,
Le jeune marchand qui tient la balance dans ses bras.
Le voisin pense « elle est très belle cette balance" Et il prend sa décision. Il dit :
"Ok voisin , avec plaisir, sans façon, bien volontiers, pars rassuré ta balance avec moi est bien protégé. Crois-moi dès ton retour elle sera de nouveau tienne. Foi de voisin, voisin
Et Bon voyage !!!!!"
Et sur ces mots, sourire aux lèvres, il lui prend la balance et il disparaît avec elle dans sa propre maison.
Le jeune homme embarque.
Passe le temps. Un mois, deux mois, plusieurs mois, un an et peut-être davantage. Voyager en ce temps-là prend du temps.
Quand le jeune marchand revient il se précipite chez le voisin.
C’est pour lui, une grande déception.
Vous savez quoi ? Ben heu non bien sûr, suis-je sotte, vous n’étiez pas là. Je vous conte.
Quand il demande sa balance, le voisin répond "Bonjour voisin, te voilà de retour, pour ta balance je suis bien ennuyé, je ne l'ai plus, désolé !"
Le jeune homme tombe des nues. Il ne veut pas croire son voisin.
Il dit « Où est-elle ? Qu'en as-tu fait ? Tu l'utilises au marché !Pourquoi pas ! Dis-moi où elle est, j'irai la chercher !"
Pire que pire que pire que pire que pire? le jeune homme apprend ce qu’il n’a jamais entendu dire, que les souris aiment le fer, et qu’elles ont mangé sa balance.
"Croyez-vous chers amis que les souris mangent le fer ?"
Le jeune marchand non plus. Il s’esbaudit
« Hein, comment, qu’est-ce que j’entends ! Voisin ce que tu me dis est impossible. Voisin, je ne te crois pas. Les souris ne mangent pas le fer, elles mangent du fromage, du pain, des pommes, des poires, des graines, du riz, du papier,mais pas du fer ! Tu plaisantes voisin, tu t’amuses, tu te moques de moi !»
Devant ce reproche, le voisin fronce les sourcils, sa moustache remonte, son visage s’habille de colère.
« Tu me prends pour un menteur.Ecoute-moi bien. « Les souris que tu connais mangent peut-être du pain et du fromage, des pommes et des poires, du riz ou du papier, pourquoi pas, si tu le dis, mais mes souris, elles, elles mangent le fer, elles l'adorent. Elles savent que le fer les tient en bonne santé. Et le fer de ta balance était de la meilleure qualité. Alors je te rassure, elles n’ont pas mangé ta balance mes souris, elles l’ont dégustée. Et ne me le reproche pas, voisin, car je n’y suis pour rien. Si tu dois te retourner contre quelqu’un, retournes-toi contre les souris ! »
« Ta plaisanterie est de très mauvais goût, voisin » dit le jeune homme
« Pas pour mes souris ! » répond le voisin.
« Puisque tu insistes, puisque tu persistes, puisque tu ne veux pas me rendre ma balance » dit le jeune homme en haussant les épaules, je te crois et je te quitte.
Le jeune homme tourne le dos à son voisin et il entre dans sa maison.
Surprise ! Dans sa maison de guigois, avec sa porte sans clé, et les fenêtres sans volets, à part sa balance, tout y est.
Il réfléchit. Il ne croit pas un mot de la réponse du voisin. Il pense plutôt que le voisin a vendu sa balance et qu’il en a retiré un bon prix.
Il pense « Ma pauvre balance, ce n’est pas ton prix qui m’intéressait c’était seulement ta valeur-souvenir, car tout de même, je te tenais de mon père qui la tenait de son père qui la tenait de son père qui la tenait lui–même du père du père de son grand-père ! »
Le jeune marchand décide de s’amuser avec le fils du père, père qui n’est autre que son voisin.
Il aime bien le fils du gardien de balance et le fils du gardien de balance l’aime bien. Et l’absence due au voyage n’a rien changé entre eux. Et justement le fils du gardien de balance passe sous ses fenêtres ouvertes.
Le jeune marchand l’invite "Olà, tu veux bien nager avec moi dans la rivière fils du voisin ?"
Le fils dit que c’est une excellente idée et d’autant plus qu’il s’ennuyait.
« Allons-y " dit-l'un, "je te suis" dit l'autre
Dans l’eau, ils s’ébattent, plongent, font la course. Bientôt le jeune marchand prétexte qu’il a à faire. Il sort de l’eau et salue le fils du père « à demain ! » Il part en laissant le jeune homme nager dans la rivière sous les rayons du soleil.
Touot en marchant il rie en pensant à la bonne blague qu’il va jouer à son tour à son voisin. Pour rire encore davantage, il se presse, court et arrive tout essoufflé sur le seuil de sa porte
« Voisin voisin, vite, sors, il est arrivé quelque chose de grave, vite presse-toi ! »
Le voisin se presse. Il pousse la porte d'un coup de pied. Il est tout retourné-échevelé « Quoi, qu’est-ce qu’il y a qu’est-ce qui se passe, dis-moi y a le feu chez toi, , »
"Non dis le jeune homme, y a plutôt le feu chez toi !"
"Quoi, le feu chez moi ?" le voisin se retourne, "où sont les flammes ? Je ne vois rien"
Il ne s’agit pas de flamme, il s’agit de ton fils !
Quoi, mon fils, il est dans les flammes, je vais le chercher "
Arrête, il n'est pas là, il est ailleurs !"
"Ailleurs, qu'est-ce que tu veux dire, dis-moi où, dis-m'en plus !"
"Je te dirai seulement ce que je sais, ton fils n'est plus, il a disparu !"
Le voisin pose ses mains sur ses temps, il lève ses bras, et gémit
"Mais qu’est-ce que tu racontes, mon fils n’est plus, vite dis-moi que s’est-il passé, allons voir.
"Ce n’est plus la peine, je te raconte : nous nous baignions dans la rivière quand un Kukaburra* a foncé sur nous et l’a emporté !!!! ça c'est passé si vite voisin, que malgré toute ma bonne volonté, je n'ai rien pu faire !"
Un énorme éclat de rire traverse l’air. Le voisin rie si fort que le voilà plié en quatre.
Quand il se redresse il dit
"Qu’est-ce que tu racontes, tu plaisantes, tu te moques de moi : depuis quand un Kukaburra peut-il emporter un homme ! »
Le jeune voyageur, d'une voix ferme a répondu au voisin
Depuis que les souris adorent manger du fer, Voisin !!!
Et sur ces mots il fait demi-tour et retourne
dans sa maison de guingois
à la porte sans clé
Et aux fenêtres sans volet.
Quelque part dans la maison du voisin
Trotte trotte menue souris
noire dans le gris du soir
Trotte trotte menue souris
grise dans le noir de suie
une souris menue pense
"Laissez-moi passer,
"Je ne suis pour rien dans cette histoire, moi !
Je m'en balance"
Histoire du jeune homme qui aimait une balance
http://www.travelblog.org/Photos/3477704.html ce lien pour voir des kukaburra et pleins d'autres animaux australiens et..wouahou des alligators tout plein partout. ntre autres.
Pour voir d'autres photos de Daniel Mermet à propos de l'nde aujourd'hui
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=864
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire